« Les propos d’Eve. Ah ! Dis-moi simple fleur des champs », Pourquoi pas?, n°1024, 16 mars 1934, p. 612-613.
« Mazurka des grands-mères », Michel Meilhac et ses ménétriers, Auvergne-Limousin, 1 disque 45 tours, Philips, Le tour du monde en 45 tours, 424.194 PE, 1960. Enregistrement conservé à la Bibliothèque nationale de France.
1941, prison du Cherche-Midi
Cet air détourne six vers de la chanson de tradition orale connue sous les noms de Mazurka de Lapleau, Mazurka fleur des champs, Mazurka petite fleur des champs, Mazurka des grands-mères ou encore Mazurka des Loges-Marchis (du nom d’une commune du département de la Manche en Normandie). La mazurka est une danse traditionnelle polonaise qui s’est intégrée au folklore français au XIXe siècle. Danse de bal et chanson de tradition orale connue dans plusieurs régions, cette mazurka ne semble pas avoir été publiée sous forme de partition ou d’enregistrement avant la Seconde Guerre mondiale; sa mélodie est présentée ici dans une version instrumentale de Michel Meilhac et ses ménétriers parue chez Philips en 1960 dans la collection Le tour du monde en 45 tours, qui documente la musique folklorique de France et d’Europe.
Dans l’hebdomadaire satirique belge Pourquoi pas? du 16 mars 1934, la chanson est citée comme appartenant à « la jeunesse de nos mères » et sert d’amorce pour aborder – à travers une opposition comique avec la transpiration des pieds – l’image ressassée de la fleur comme symbole de pureté et d’élégance féminines.
C’est précisément le texte cité dans cet entrefilet qu’Oddon reprend et détourne avec ses camarades de prison. L’humour prosaïque et le ton familier de la chanson permettent d’évoquer à la fois les rondes des gardiens (les « 22 » ou « Vingt-e-deux », à prononcer sur trois syllabes pour respecter la prosodie de la chanson d’origine) et l’odeur désagréable de leurs pieds, laquelle ne parvient même pas à tuer les punaises qui parasitent les cellules des prisonnières.
Comme l’air précédent, la chanson est présentée dans le recueil comme un refrain « chanté en cas d’“alertes” avant et après les rondes des 22 ». Il s’agit donc d’une chanson fonctionnelle, destinée à prévenir les détenues des cellules environnantes de l’arrivée d’un gardien.
De cette danse à trois temps qui connaît plusieurs variantes, Oddon ne reprend que la première partie, une phrase antécédent-conséquent caractérisée par un rythme trochaïque (longue-brève). Cette rythmique, de même que les cellules répétées de la mélodie, contribuent au côté dansant et léger de la chanson, lequel a sans doute permis aux prisonnières de masquer sa fonction d’alerte.
[Sources : références 35, 57, 62, 72, 75 dans la bibliographie]
Ah! dis-moi, simple fleur des champs…
(tradition orale)
Ah! dis-moi, simple fleur des champs,
Quand tu sues des pieds, mets-tu des chaussettes?...
Ah! dis-moi, simple fleur des champs,
Quand tu sues des pieds, mets-tu des bas blancs?...
Vingt-Deux, quand tu pues des pieds
[fragment sans titre]
(ms p. 6)
Vingt-Deux, quand tu pues des pieds
Tu pourrais au moins tuer les punaises!
Vingt-deux, quand tu pues des pieds
Tu pourrais au moins les asphyxier!