Sur l’air de la liberté, Chansons de résistantes dans les prisons nazies

07. Bonsoir amies, amies bonsoir

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07. Bonsoir amies, amies bonsoir

Chanson originale Chanson détournée
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Partition


« Maudit sois-tu carillonneur », partition pour voix a cappella (canon à 5 voix), dans Plein-air, chansons recueillies et illustrées par Yvonne Baratte avec le concours d’Yvonne Debaisieux et un groupe de campeurs, Paris, S.P.E.S., 1941, p. 71.

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Disque


«Maudit sois-tu carillonneur», dans Chansons dorées de notre enfance, 1 disque 45 tours,DisquesAdès/Le Petit Ménestrel, ALB 169,1981.

macaron du disque

1941, prison du Cherche-Midi

Cet air et le suivant sont présentés par Oddon comme des « refrains […] chantés en cas d’“alertes” avant et après les rondes des 22 ». Leur fonction est donc d’avertir les prisonnières voisines de l’arrivée des « 22 », le terme désignant ici à la fois le signal d’alerte utilisé par les prisonnières et, par métonymie, les gardiens eux-mêmes.

Bonsoir amies, amies bonsoir trouve sa source musicale dans le célèbre canon de tradition orale Maudit sois-tu carillonneur, également connu sous le titre Le coq est mort. Chanté – selon la partition reproduite ici – en canon à cinq voix et à distance de deux mesures à 4/4, cet air de facture très simple est un classique des chansons enfantines, qui faisait notamment partie du répertoire des scouts de l’entre-deux-guerres comme en témoigne sa mention dans le journal Le Scout de France du 1er avril 1929. Il ne semble cependant pas avoir été gravé sur disque à cette époque; l’enregistrement le plus ancien que nous ayons pu retracer est un 45 tours de 1981 destiné aux enfants. La partition documentée ici témoigne quant à elle de la circulation de Maudit sois-tu carillonneur dans les cercles de la Résistance française : parue en 1941, elle est le fruit du travail de collecte et d’illustration d’Yvonne Barratte, une peintre, graveuse et animatrice de groupes d’enfants qui s’est engagée d’abord dans la Croix-Rouge française comme infirmière volontaire en 1939-1940, puis dans la Résistance, et qui a été arrêtée en 1944 et déportée au camp de Ravensbrück où elle a trouvé la mort en 1945. On sait qu’en déportation, Barratte a chanté (et fait chanter à ses camarades) plusieurs des chansons recueillies dans ce volume intitulé Plein-air.

Maudit sois-tu carillonneur est une chanson cruelle, caractérisée par la malédiction d’un carillonneur par un narrateur qui ne supporte plus d’entendre les cloches sonner, déplore que le carillonneur ait été « cré[é] par Dieu pour [s]on malheur » et attend avec impatience sa disparition (« Quand sonnera-t-on la mort du sonneur? »). Ce texte peut trouver une résonance dans d’autres airs du recueil où les prisonnières chantent avec humour l’espoir de voir bientôt trépasser leurs terribles gardiennes (Ah la « hyène » et la « vipère », La fouine).

Reprenant fidèlement le patron rythmique caractéristique du canon-source, le détournement opéré par les prisonnières est construit sur une rime unique (« bonsoir », « couloir », « au revoir »). Axé sur la sororité, cet air efficace permet d’avertir du danger derrière une formulation de salutation sur une mélodie innocente susceptible de passer inaperçue.

[Sources : références 56, 67, 104 dans la bibliographie]

Transcription comparée

Maudit sois-tu, carillonneur

(tradition orale)

 

 

Maudit sois-tu, carillonneur,

Que Dieu créa pour mon malheur!

Dès le point du jour à la cloche il s’accroche

Et le soir encor carillonne plus fort

Quand sonnera[-]t[-]on la mort du sonneur.

Bonsoir amies, amies bonsoir

[fragment sans titre]

(ms p. 6)

 

Bonsoir amies, amies bonsoir;

J’entends Vingt-deux dans le couloir,

Vit’ sur nos plumards, aurevoir, aurevoir,

Vit’ sur nos plumards, aurevoir, aurevoir…

 

Manuscrit


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Recréation


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