Léon Xanrof (paroles et musique), Complainte des 4 z’étudiants, partition pour chant et piano, Paris, Georges Ondet, 1890.
Léon Xanrof (paroles et musique), La complainte des 4 z’étudiants, Yvette Guilbert (chant), Irène Aïtoff (piano), 1 disque 78 tours, Gramophone, K-7414, 1934.
1941, prison du Cherche-Midi
Cette chanson est une version détournée de La complainte des quatre z’étudiants, écrite par l’auteur-compositeur montmartrois Léon Xanrof (pseudonyme de Léon Alfred Fourneau, 1867-1953), dont la carrière est intimement liée à celle de la chanteuse de cabaret Yvette Guilbert (1865-1944). L’enregistrement que nous proposons ici provient justement de l’interprétation de cette dernière, captée en 1934 sur étiquette Gramophone. Connue pour son style mi-récité mi-chanté restant très près du texte et – à ce moment de sa carrière – pour ses interventions scéniques explicites (déhanchements, clins d’œil, gestuelle expressive et mimiques exagérées), Guilbert a également réalisé un bon nombre d’enregistrements. Sa discographie couvrant plusieurs décennies – de la fin du XIXe siècle jusqu’à quelques années avant sa mort –, elle offre une perspective précieuse à la fois sur l’évolution de sa voix et sur celle des techniques d’enregistrement.
Le texte d’origine raconte l’histoire de quatre étudiants, « faite pour donner la crainte des p’tites femmes aux jeunes gens ». La version détournée par Oddon parodie habilement les paroles originales pour évoquer les gardiens de prison du Cherche-Midi qui fraient avec des prostituées françaises et attrapent des maladies vénériennes. Dans son commentaire chapeautant la transcription dactylographiée de cette chanson, la résistante précise en effet qu’il s’agit d’une « histoire véridique d’un de nos “22” [terme qu’utilisaient les détenues pour désigner les surveillants], pauvre bougre de sous-off. allemand qui employait ses heures de loisir à fréquenter les collaboratrices de trottoir… ». Comme sa source, la chanson d’Oddon se termine par une « morale » adaptée au contexte de l’Occupation : « Celui qui collabore s’en va-t-à l’hôpital ».
[Sources : références 9, 43, 83, 125 dans la bibliographie]
La complainte des quatre z’étudiants
(1890)
1
Je sais une complainte
De quatr’ z’étudiants,
Fait’ pour donner la crainte
Des p’tit’s femm’s aux jeun’s gens!
2
L’premier faisait des lettres,
L’second du Droit Romain,
L’troisièm’ faisait des dettes,
L’quatrièm’ faisait rien.
3
D’un’ femme assez gentille
Tombèrent tous amoureux;
Comm’ c’était un’ bonn’ fille
Ell’ les rendit heureux.
4
L’premier y offrit sa vie,
L’second y offrit son bras,
L’troisièm’, sa bours’ garnie,
L’quatrièm’... je n’sais pas!
5
En échang’, la p’tit’ blonde
Son p’tit cœur leur donna :
La plus bell’ fill’ du monde
N’peut donner que c’qu’elle a!
6
Mais quand vinr’nt leurs vacances
Et qu’ils rentrèr’nt chez eux,
Leur papa, dans les transes,
Leur dit : « P’tits galvaudeux…
7
« Vous n’êt’s pas assez sages,
« Vous n’aurez plus d’argent,
« J’travaillais à vos âges,
« Vous en ferez autant! »
8
Ils se r’mir’nt à l’étude
Avec acharnement –
N’avaient pas l’habitude,
Sont morts au bout d’un an
9
V’là comment pour une femme,
Y a quat’ z-étudiants,
À la suit’ de ce drame,
Qu’est morts en travaillant!
L’histoire de Gribouille
(ms p. 5)
C’est l’histoire de « Gribouille »
Cet amant malheureux
Fait’ pour ficher la trouille
Des p’tites femmes aux « 22 »
De ses devoirs austères
Il était fort jaloux
Se mettait en colère
Et gueulait comme un fou,
Souvent cœur qui soupire
Peut devenir méchant :
Car notre triste sire
N’était qu’un fol amant!
Dans son couloir saumâtre
Il n’avait chaque jour
Que des pensées folâtres
De p’tites femmes et d’amour!
Bientôt dans la licence
Tomba-t-aveuglément
Perdit son innocence
Gagna… un mal cuisant.
L’amour est juste encore,
Il a son tribunal,
Celui qui collabore
S’en va-t-à l’hôpital!