Sur l’air de la liberté, Chansons de résistantes dans les prisons nazies

13. Ah la « hyène » et la « vipère »

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13. Ah la « hyène » et la « vipère »

Chanson originale Chanson détournée
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Partition


Ah ! les fraises et les framboises, vieille chanson recueillie par Édouard Wolff, adaptée par Serge Plaute et harmonisée par Georges Matis, partition pour chant seul, Paris, Arlequin, 1926.

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Disque


Ah ! les fraises et les framboises, Parisys (chant), orchestre Jean Lenoir, 1 disque 78 tours, Polydor, 521.568, v. 1929.

macaron du disque

[1942], prison d’Anrath

Ce court fragment chanté se base sur le refrain de Ah! les fraises et les framboises, chanson grivoise de tradition orale qui a circulé en de nombreuses versions depuis au moins les années 1880. Celle documentée ici – avec de légères variantes entre l’enregistrement et la partition – se base sur une adaptation théâtrale réalisée en 1926 par Serge Plaute pour la pièce La petite grue du cinquième, mettant en vedette Marcelle Parisys au théâtre La Scala de Paris. Bien qu’assez explicite, cette version représente néanmoins un adoucissement considérable par rapport au texte qui circulait antérieurement : le phallus y est en effet symbolisé par un « canari » plutôt que par « Jésus-Christ » qui, dans la version connue du public de l’époque, « entr[e] dans l’paradis » – ajoutant ainsi le blasphème à la salacité.

Rien de tout cela ne demeure dans la version détournée par Yvonne Oddon et ses codétenues, qui utilisent plutôt le refrain pour évoquer les différents surnoms qu’elles donnaient aux geôlières de la prison d’Anrath, « bel échantillonnage […] de ce que le Grand Reich avait de mieux pour “mater” des récidivistes endurcies ». On peut cependant imaginer que le choix d’une mélodie grivoise aggravait encore l’insulte déjà inhérente à ces sobriquets hostiles (« hyène », « vipère », « pos’-ta-chique-au-vestiaire » – poser sa chique signifiant, en argot, cesser son activité et, partant, se taire ou même mourir). Oddon note en outre que ce fragment n’est que le refrain d’une chanson plus longue, qui demeure « à retrouver »; si la mémoire du texte complet est sans doute irrémédiablement perdue, on sait cependant qu’un autre détournement de Ah! les fraises et les framboises a circulé en France à la Libération sous le titre Adieu aux nazis, version dont le refrain affirme avec jubilation « C’est fini l’régime nazi / Adieu tous les pendus / Pour toujours ils sont partis / Nous ne les r’verrons plus ».

[Sources : références 31, 47, 63 dans la bibliographie]

Transcription comparée

Ah! les fraises et les framboises

(tradition orale)

 

 

Sur la rout’ de Montmartre, de Montmartre à Paris,

J’ai rencontré trois pages, trois garçons d’mon pays!

 

Refrain

Ah! les fraises et les framboises!

Les vins qu’nous avons bus,

Et les belles villageoises,

Nous ne les verrons plus!

 

2

J’ai rencontré trois pages, trois garçons d’mon pays!

Le plus jeune m’embrasse, et le plus bel aussi! (Au Ref.)

 

3

Le plus jeune m’embrasse, et le plus bel aussi,

M’emmèn’ dans sa chambrette pour parler du pays. (Au Ref.)

 

4

M’emmèn’ dans sa chambrette pour parler du pays,

Je lui dis « Soyez sage! » Et près de lui m’assis! (Au Ref.)

 

5

Je lui dis « Soyez sage! » Et près de lui m’assis,

Comme il n’y avait pas d’chaise, je m’assis sur son lit! (Au Ref.)

 

6

Comme il n’y avait pas d’chaise, je m’assis sur son lit!

Il entr’ouvr’ ma ch’misette! Et découvre un p’tit nid. (Au Ref.)

 

7

Il entr’ouvr’ ma ch’misette! Et découvre un p’tit nid

Puis il ne dit « Regarde mon joli canari! » (Au Ref.)

 

8

Puis il ne dit « Regarde mon joli canari! »

Je caressai l’oisille et voilà qu’il grandit. (Au Ref.)

 

9

Je caressai l’oisille et voilà qu’il grandit,

Et puis battant des ailes, il entra dans mon nid. (Au Ref.)

 

10

Et puis battant des ailes, il entra dans mon nid,

Il y entra si fort… que le cou s’y rompit! (Au Ref.)

 

11

Il y entra si fort… que le cou s’y rompit!

Pleurez, pleurez, Mesdames, la mort du canari! (Au Ref.)

 

12

Ne pleurez plus, Mesdames, la mort du canari,

Il suffit d’être adroite, pour lui rendre la vie! (Au Ref.)

Ah la « hyène » et la « vipère »

[fragment sans titre]

(ms p. 9)

 

 

 

 

 

Ah la « hyène » et la « vipère »

La « fouine » et le « perroquet »

La « pos’-ta-chique-au-vestiaire »

« Fantômas » et l’« Roquet »…

Manuscrit


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Recréation


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