Le joueur de luth (Pour apprendre à jouer de l’épinette...), chanson de tradition orale recueillie et harmonisée par Fernand Warms, partition pour chant et piano, Lyon, Max Orgeret, 1936.
Le joueur de luth, Stello (chant), chœurs et orchestre Jean Lenoir, 1 disque 78 tours, Polydor, 521.928, v. 1931
1940-1941, prison du Cherche-Midi
Le premier air noté par Oddon reprend la mélodie de la chanson Le joueur de luth (aussi connue sous les titres Pour apprendre à jouer de l’épinette et À l’auberge de l’écu), une chanson grivoise déjà considérée comme ancienne dans les années 1930. Ses paroles sont attribuées à Georges Denola (1865-1944) et sa musique, à Jean Baudéan (pseudonyme de Marie Baudéan, 1859-1921). Non datée, cette chanson a largement circulé par le biais de la tradition orale. Sa popularité a perduré au fil des décennies et au-delà des frontières, comme l’illustre une émission de la Soirée canadienne au début des années 1980.
Le joueur de luth raconte l’arrivée en ville d’un personnage éponyme proposant aux jeunes filles des cours d’un instrument laissé à l’imagination, mais lourdement suggéré par le refrain qui insiste sur l’importance d’un « trou là là ». Dans la version détournée par Oddon et ses compagnes, le « trou la la » en question ne fait plus référence à un orifice du corps humain, mais à la serrure de la porte de la cellule afin d’évoquer par métonymie la réalité de la détention. Alors que la source comporte six strophes avec l’ajout d’une septième servant de « moralité » (ironique, bien sûr), la version modifiée ne reprend que quatre strophes tout en demeurant fidèle à la prosodie d’origine. Selon Oddon, il s’agit de la plus ancienne des chansons de prison, qui en serait sortie « fin 41, écrite sur un mouchoir dissimulé dans la doublure du manteau de Marie Jeannic ». Cette codétenue du Cherche-Midi, qui appartenait au réseau de résistance d’Honoré d’Estienne d’Orves, avait été arrêtée comme Oddon en février 1941; acquittée au terme de son procès, elle a sans doute réussi à emporter le texte de Trou-la-la avec elle au moment de sa libération.
L’enregistrement que nous proposons ici pour la chanson-source a été réalisé en 1931 par le chanteur montmartrois Stello (pseudonyme de Paul-Édouard Fichter, 1882-1945). L’un des maîtres de cérémonie du cabaret Au Lapin Agile, Stello se plaisait à y chanter accompagné d’un chœur, une habitude que l’on retrouve dans son interprétation du Joueur de luth.
[Sources : références 7, 26, 33, 49, 55, 80, 129 dans la bibliographie]
Le joueur de luth
(tradition orale)
Dans notre ville est venu (bis)
Un fameux joueur de Luth (bis)
Qui a mis sur sa boutique
Pour attirer la pratique
À l’enseigne de l’Écu
On apprend à jouer de l’épinette,
À l’enseigne de l’Écu
On apprend à jouer du… Trou là là
Trou là là, Trou là trou là, la-i-tou
Trou là là, Trou là là, Trou là, Trou là Trou là là!
2
Tout’s les filles de Paris (bis)
De Montmartre à Saint Denis (bis)
Ont vendu leurs chemisettes,
Leurs fichus, leurs collerettes
Afin d’avoir un écu
Pour apprendre à jouer de l’épinette
Afin d’avoir un écu
Pour apprendre à jouer du… au Refrain
3
Un’ jeune fille se présenta (bis)
Qui des leçons demanda (bis)
« Ah! que tes leçons sont bonnes
« Faudra que tu m’en redonnes
« Tiens, voilà mon p’tit écu
« J’veux apprendre à jouer de l’épinette!
« Tiens, voilà mon p’tit écu
« J’veux apprendre à jouer du… au Refrain
4
Un’ vieill’ femm’ se présenta (bis)
Qui des leçons demanda (bis)
Par la porte de derrière
Fais-moi passer la première
Tiens, voilà mon p’tit écu
J’veux apprendre à jouer de l’épinette
Tiens, voilà mon p’tit écu
J’veux apprendre à jouer du… au Refrain
5
Vieille, retournez[-]vous-en (bis)
Et remportez votre argent (bis)
Car pour vous les épinettes
Ne sont ni fraîches, ni nettes
Vous avez trop attendu
Pour apprendre à jouer de l’épinette
Vous avez trop attendu
Pour apprendre à jouer du… au Refrain
6
La vieille en s’en retournant (bis)
Marmottait entre ses dents (bis)
« Ah! vous me la baillez belle
De me croire encor’… d’moiselle!
Il y’a soixante ans et plus
Qu’j’ai appris à jouer de l’épinette
Il y’a soixante ans et plus
Qu’j’ai appris à jouer du… au Refrain
MORALITÉ
La morale de ceci (bis)
Je vais vous la dire ici (bis)
C’est : quand on est jeune et belle
Il faut pas rester… pucelle
Faut profiter d’son écu
Pour apprendre à jouer de l’épinette
Faut profiter d’son écu
Pour apprendre à jouer du… au Refrain
Trou-la-la
(ms p. 1)
Madam’ vous êtes en prison (bis)
Vous n’savez pour quell’ raison (bis)
En attendant qu’on vous sorte
Couchez-vous sous votre porte
Car dans cett’ maison de fous
On ne parl’ que par[-]dessous les portes
Car dans cett’ maison de fous
On ne parl’ que par le trou-la la
Trou la la, trou la trou la trou la laire
Trou la la, trou la la, trou la trou la trou la la!
Le soir quand vous avez faim (bis)
Si vous n’avez plus de pain (bis)
Plutôt que de tomber morte
Grignotez donc votre porte :
Car dans cett’ maison de fous
On est toujours derrière une porte
Car dans cett’ maison de fous
On est toujours derrièr’ l’trou la la (etc.)
Si vous avez le cafard (bis)
Couchez[-]vous sur le plumard (bis)
Ça vaut mieux Mademoiselle
Que de casser la « vaisselle »
Et je vous préviens qu’c’est fou
D’essayer de passer sous la porte
Et je vous préviens qu’c’est fou
D’essayer de passer par l’trou la la (etc.)
Si vous avez des secrets (bis)
Gardez-vous bien d’en parler (bis)
Y a un’ bête qui pullule
C’est la « mouche » des cellules
Elle écoute et répèt’ tout
Ce qu’elle entend par[-]dessous les portes
Elle écoute et répèt’ tout
Ce qu’elle entend par le trou la la (etc.)